dimanche 24 octobre 2010

Baillons! Encore un bâillon...

Si vous écoutez un tant soit peu les nouvelles, vous avez probablement entendu parler de la fameuse loi 115, adoptée par bâillon le 19 octobre 2010. Pour les personnes non familières avec le principe de bâillon, cette mesure permet au gouvernement de faire adopter une loi en outrepassant les procédures habituelles de débats à l'Assemblée nationale. Bref, cela permet de faire passer vite et sans trop de vagues un projet de loi controversé.

Considérant ce genre de procédure complètement antidémocratique, je m'indigne non-seulement de la méthode utilisée, mais aussi du contenu de ce projet de loi quelque peu inquiétant à mon goût. La loi 115 stipule que si des parents désirent envoyer leur enfant dans une école anglophone publique, ceux-ci doivent préalablement le faire évoluer pendant 3 ans dans une école non-subventionnée par le gouvernement, soit un établissement communément appelé "école passerelle". Évidemment, ceci ne s'applique pas pour les parents anglophones qui possèdent d'entrée de jeu le droit d'envoyer leur enfant dans l'école de leur choix.

Loin de moi l'idée de ressortir le spectre de la loi 101, de la protection du français et du nationalisme comme beaucoup l'ont déjà fait pour critiquer cette loi. Bien que je me considère comme étant un défenseur de notre belle langue, je suis aussi au fait que la société contemporaine requiert très souvent la compréhension de l'anglais, et que la capacité de communiquer dans la langue de Shakespeare est primordiale, voir nécessaire pour les jeunes qui auront à vivre dans un monde multiculturel. Les temps ont bien changé depuis la mise en place de la loi 101 par le gouvernement de Lévesque, l'un de ses meilleurs coups à l'époque. Même si il est toujours difficile de se faire servir en français dans certains quartiers de l'île de Montréal, le français se porte plutôt bien dans l'ensemble de la province (je ne veux pas m'étendre sur les difficultés qu'ont certains jeunes à écrire ou parler dans un français convenable).

Ce qui me semble plus choquant avec cette loi, c'est qu'elle donne aux personnes plus aisées des privilèges que le citoyen moyen ne possède pas. En effet, la loi 101 oblige les parents allophones et francophones à envoyer leurs enfants dans des établissement d'enseignement francophones. Par une manœuvre inéquitable, les gens riches peuvent désormais outrepasser cette obligation en sortant de leur poche une liasse de billets verts (ou bruns...). Il faut se rappeler que le coût de l'enseignement dans de telles écoles va de 10 000$ par année pour les plus abordables jusqu'à 30 000-40 000$ pour les établissements plus renommés. Je pense que de telles dépenses sont complètement invraisemblables pour une famille de la classe moyenne...

Avant la loi 115, n'importe quel parent qui désirait inscrire son enfant dans une école anglophone non subventionnée avait le droit de le faire. La nuance est que maintenant, le simple fait de passer 3 ans dans ce genre d'école permet d'accéder au système anglophone public, entièrement financé par les contribuables. L'éducation en anglais est un droit constitutionnel donné aux gens de descendance anglophone. Le message que Jean Charest et son gouvernement envoient aujourd'hui est que l'on peut maintenant, moyennant quelques dizaines de milliers de dollars, acheter ce droit pour son enfant ainsi que toute sa descendance. Ce genre de pratique, digne d'une république de banane, va à l'encontre de tous les principes d'égalité habituellement véhiculés par notre société.

Ceux qui serons tentés de voir ce projet de loi comme un moyen d'améliorer la situation du bilinguisme au Québec se foutent le doigt dans l'œil. Ne me méprenez pas, je suis complètement d'accord avec le fait que les jeunes québécois apprennent correctement l'anglais. Seulement, cet apprentissage ne doit pas se faire au détriment du français, la langue pour laquelle nous nous sommes battus depuis si longtemps, et surtout, il ne doit pas être réservé aux enfants de familles aisées qui peuvent se permettre "d'acheter un droit".

2 commentaires:

GREG a dit…

Intéressant... je quitte la France qui remplace progressivement la démocratie par une oligarchie mêlée de ploutocratie au détriment de notre belle république. Mon choix se porte sur le Québec où j'ai des amis qui me disent que c'est le nouveau pays des droits de l'homme et où il fait bon de vivre... Et j'apprends ici que, comme en France, certaines lois sont passées en catimini... Mais où aller au final ?

P-A a dit…

Je ne sais pas... Le Québec est un très bel endroit qui n'est pas à négliger si tu désires t'établir ailleurs. J'ai connu plusieurs Français qui ont fortement apprécié l'endroit, l'hospitalité, la mentalité...

Par contre, si le paradis sur Terre existait vraiment, tout le monde voudrait y résider. Dans l'ensemble, je m'estime très chanceux d'être né ici, l'énorme liberté dont nous jouissons fait rapidement oublier les petits accrocs.

Reste à voir si tu tu réussiras à t'habituer à l'accent!